mercredi 5 mars 2008

Mes équipiers.

Je ne mentionne pas les quelques équipiers occasionnels lesquels comme Jean-Louis de Gerlache n’ont pas été suffisamment longtemps à bord pour qui je puisse les décrire avec justesse.
Par contre Jean Bourgeois, Alphy Van Brande, Michel Geerts et dans une moindre part Albert De Lee, ont fait partie de mes voyages les plus marquants. Ils sont restés longtemps à bord au cours d’une ou plusieurs expéditions et sont devenus de chers amis et ils le sont encore.
Ce n’est pas une occurrence commune, souvent la promiscuité, qui est forcée à bord, crée des tensions et des incompatibilités définitives. La nécessité d’un seul capitaine et la soumission indispensable des autres, génère souvent l’inconfort mental de ceux-ci.
C’est pour cette raison que j’ai aimé naviguer avec des équipiers qui avaient une spécialité ou une aptitude dans laquelle ils étaient plus versés que moi. Jean Bourgeois est alpiniste. Dans tout ce qui concerne l’escalade, le ski et la randonnée dans des lieux enneigés, c’était lui qui savait et je me pliais volontiers à ses directives. Jean était aussi une personne qui avait une tournure intellectuelle scientifique et à la fois très Zen. Il avait aussi une approche philosophique de la vie très différente de la mienne. Je l’écoutais volontiers. Le fait que je revendiquais la direction exclusive en matière de navigation était ainsi compensée.
Alphy Van Brande est artiste, très bon peintre, talentueux aquarelliste. Quand Alphy prenait ses pinceaux il pouvait me faire un pied de nez en disant avec un accent enjoué « çà tu ne sais pas faire manneke ! » D’autre part Alphy était un équipier très expérimenté ayant beaucoup navigué. Nous n’avions que très rarement des divergences dans la stratégie de faire voile.
Alphy était aussi et avant tout un joyeux compagnon à bord, toujours plein d’entrain, la blague facile, le dialogue léger. Il était un peu mon contraire. Ce qu’il apportait à bord était primordial.
Michel Geerts, ami doté d’une grande sensibilité, une nature de poète au caractère plus réservé, vivant sa vie intérieure, toujours de façon très posée, assis à l’arrière du bateau, le verbe rare, un cordage à la main. Michel était maître en matelotage. Notre relation me semble plus intime, bâtie sur une concordance de pensée très grande. Alors que parfois il y eut des courts moments de tension avec Jean ou Alphy je ne me rappelle d’aucune divergence avec Michel.
Albert De Lee, Esprit Cartésien rigoureux, ingénieur des mines et industriel établi m’a accompagné depuis Nieuport et une longue escale à Cowes à Rio. Ce fut une traversée plaisante et détendue. La motivation d’Albert était de s’isoler du train-train quotidien afin de résoudre dans la tranquillité, une difficulté sentimentale, accessoirement aussi de combattre un embonpoint développé en se privant de toute ingestion d’alcool, ce qui était une condition imposée à bord. Ce fut néanmoins une occasion de nous solidariser mutuellement dans un climat de grande amitié. Arrivé à Rio Albert avait perdu son bedon, Mais le problème sentimental était resté entier ! Il y a des circonstances où l’amitié ne peut rien !
Ce qui me semble important à dire en parlant de mes équipiers: c’est qu’aux escales, le bon renom du bateau n’a jamais été terni par un comportement critiquable. Au contraire tous ont contribué à ce que dans chaque port le nom de mon « Williwaw » soit respecté.
Miche Barbry, avec lequel j’ai débuté mon tour du monde en 1972 est loin dans ma mémoire et sa très fournie carrière de skipper nous a éloignés. L’amitié du départ, forcément, c’est distendue aux cours des années et si le souvenir que Michel laisse est toujours vivant, l’intimité c’est diluée.
Dans un dernier mot je voudrais témoigner ma reconnaissance à Jean, Alphy et Michel et leur dire combien ils me remplissent d’une égale satisfaction. Je n’exprime aucune préférence et les prie de ne pas m’en vouloir si l’un ou l’autre ne se reconnaît pas entièrement dans le portrait qu’il m’inspire.
Willy.

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